Pouvez-vous gagner 2 heures de plus par jour?

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Investissement personnel

Pouvez-vous gagner 2 heures de plus par jour?

Depuis que je suis petit, j’ai remarqué que j’avais une certaine facilité à m’absorber dans toutes sortes d’activités introspectives ou créatives. 

La lecture, la programmation informatique, le piano, ou simplement le fait de rêvasser lorsque j’étais en classe. 

J’aime beaucoup le terme absorber, il suppose que c’est l’activité qui nous attrape: il n’est pas nécessaire de forcer pour s’y mettre, et assez vite on perd la notion du temps. 

C’est comme ça que je me suis retrouvé à oublier des rendez-vous, à ignorer mon téléphone pendant des heures, voire des jours, parfois même à oublier de dormir ou de manger.

Cette capacité à se laisser absorber peut être considéré comme un défaut, et cela a été le cas au cours de ma scolarité ou je devais dans la plupart des matières faire un effort pour éviter de glisser dans un autre projet personnel. 

Mais cela peut également être extrêmement bénéfique dans votre vie. 

Toutes les personnes qui deviennent des maîtres dans leur discipline ont nécessairement du se laisser absorber pour travailler longtemps leur art.

Toute personne est capable de se laisser absorber. 

Je suis sûr que vous vous êtes déjà laissé absorber par un divertissement comme un jeu vidéo en ligne ou une série télévisée. 

Il y a des personnes capables d’être absorbées par la conduite automobile, par le rangement ou même certaines tâches qui peuvent sembler barbantes.

On pourrait schématiser les choses ainsi

D’un côté il y a la

  • Concentration: Nécessite de faire un effort conscient pour ne pas lâcher

De l’autre côté il y a 

  • Absorption: L’activité en elle-même est tellement prenante qu’on ne résiste pas à son appel

Un chemin évident pour promouvoir l’absorption est de créer les conditions idéales. 

Aujourd’hui on va voir ensemble comment vous pouvez créer les conditions propices afin de stimuler vos capacités d’absorption.

Et la meilleure façon de créer ces conditions c’est de réapprendre à vous ennuyer.

L’adulte moderne a très peu d’occasions de s’ennuyer. 

Et de toute façon, vous avez peut être remarqué que c’est un état qu’on cherche à fuir à tout prix. 

C’est quelque chose que Nietzsche avait déjà noté à la fin du XIXe siècle, dans le Gai Savoir. Dedans, il critique la tendance qu’ont les hommes à vouloir fuir l’ennui

Pour le citer, “Chasser l’ennui à tout prix est vulgaire, comme de travailler sans plaisir”

Et vous imaginez bien que cette aversion à l’ennui s’est accentuée depuis que nous sommes reliés à internet en permanence, soit depuis la fin des années 2000. 

Le fait de n’avoir rien à faire pendant plus de 15 minutes devient insupportable pour beaucoup de gens. 

D’ailleurs les participants à l’étude de Timothy Wilson publiée en 2014 dans Science, préféraient recevoir une décharge électrique plutôt que de subir l’ennui de rester seul avec soi-même pendant quinze minutes.

Or il faut que vous compreniez une chose.

L’ennui ça ne veut pas dire que vous ne faites rien.

En réalité, ça n’est pas possible de “ne rien faire”: votre cerveau ne sait pas faire ça, il ne s’arrête jamais. 

Donc lorsque vous commencez à vous ennuyer, lorsque vous cessez d’interagir ou de consommer, il se met à fonctionner… différemment.

Et notamment à être plus créatif.

Deux chercheuses britanniques en psychologie – Sandi Mann et Rebekah Cadman – ont confirmé l’hypothèse selon laquelle l’ennui stimulait notre créativité.  

Deux expériences les ont menées à cette conclusion. 

Elles ont d’abord demandé à 40 personnes d’effectuer une tache fastidieuse pendant 15 minutes: recopier les numéros de téléphone d’un annuaire.

Puis elles leur ont fait réaliser un travail plus créatif, consistant à proposer différentes façons d’utiliser des tasses en plastique. 

Il s’est avéré que leurs réalisations étaient plus astucieuses que celles d’un groupe témoin de 40 autres personnes qui n’avaient pas eu de travail rébarbatif à faire avant

Cette étude montre que l’ennui favorise la créativité. Et la créativité favorise votre bien-être, vos relations, votre carrière.

À la fin de la journée, une personne créative gagnera un meilleur salaire qu’un simple exécutant.

Quand j’étais petit les activités ennuyeuses ne manquaient pas puisque je n’étais pas libre de mes choix: Certaines matières à l’école, la messe, ou de longues promenades en famille le week-end. 

Mais aujourd’hui je suis obligé d’orchestrer mon ennui

La meilleure façon de faire consiste à sortir sans rien dans les poches.
Je vous invite à essayer.
Commencez par faire le tour de votre pâté de maison.
Vous serez heureux de rentrer chez vous, mais après un certain temps, vous ressentirez les bénéfices de cette activité. 

Au-delà de la créativité j’ai l’intuition que quelque chose se recharge lors de phases prolongées d’inactivité, que je prends de la hauteur et que les choses s’organisent. 

Un de ces effets est de parvenir à re-prioriser les choses. 

Après une bonne phase d’ennui, je sais en général dans quelle activité je vais me lancer dès mon retour à la civilisation. 

Et bien souvent, ce n’est pas celle à laquelle j’aurais pensé en temps normal. 

Qui après un voyage particulièrement long ne s’est pas lancé dans une activité utile pour sa vie ? Qui après un long dimanche parental ne s’est pas retrouvé dans une débauche d’énergie stimulante l’empêchant d’aller se coucher ?

C’est un peu comme si le fait de perdre notre temps nous faisait réaliser l’importance du temps bien employé.

C’est une approche qui peut sembler contre-intuitive parce que l’ennui a longtemps eu très mauvaise presse chez certains philosophes.

Déjà, étymologiquement, l’ennui vient du latin in odium: ça veut dire “en haine”, c’est un état où on va “trouver le monde odieux”. 

Pascal utilise lui l’expression “se sécher d’ennui”, aujourd’hui on dit beaucoup “mourir d’ennui”.

Pourquoi je fais ce détour par l’étymologie? 

Et bien en réalité cette conception négative de l’ennui va influencer la manière dont vous aller penser à votre temps. 

Quand vous vous ennuyez, prétez attention à la manière dont vous parlez du temps. 

En fait vous en parlez souvent en termes négatifs: on veut tuer le temps, on a l”impression de perdre son temps. 

D’ailleurs certaines personnes se vantent de ne jamais s’ennuyer comme si c’était un exploit.

Il y a une maxime assez amusante de La Rochefoucauld qui exprime cette idée:

“Nous nous vantons souvent de ne pas nous ennuyer; nous sommes si glorieux que nous ne voulons pas nous trouver de mauvaise compagnie”.

Ce qui ressort ici c’est que l’expérience de l’ennui est une expérience vertigineuse parce qu’elle nous confronte à deux choses:

Déjà, l’ennui nous met face à nous même. 

Et ensuite, l’ennui nous confronte à la vision que l’on a de notre temps. 

Et d’ailleurs, d’après une étude que je vous mets en description, la zone du cerveau qui est liée à la sensation d’ennui est la même que celle qui est liée à notre perception du temps.

Je vous invite sincèrement à réapprendre à faire l’expérience de l’ennui parce que ça peut radicalement changer votre rapport à votre temps. 

Vous allez passer d’un paradigme où vous avez l’impression de perdre votre temps à un paradigme où vous avez conscience de prendre votre temps.

Prendre votre temps pour restaurer vos capacités de désirer l’activité. 

Et recréer les conditions qui vont vous permettre de vous absorber dans vos activités.

Et une fois que vous regagnez en clarté et que vos capacités sont restaurées, vous allez voir beaucoup mieux vers quoi votre cerveau vous porte.

Ca peut être très fécond pour vous parce que ça va ouvrir la voie à tout un tas de questions:

Vers quel type d’activités vous porte votre cerveau une fois qu’il a été stimulé par l’ennui?

Quelle part vous accordez à ces activités en temps normal?

Et plus généralement, est-ce que vous êtes satisfait de la manière dont vous partagez votre temps? 

Le but en se posant cette dernière question ça n’est pas du tout de se culpabiliser en se disant “zut, je passe 3 heures 40 sur mon smartphone tous les jours”.

C’est important d’avoir du temps où vous vous distrayez, sans diriger votre occupation vers une intention ou un objectif particulier.

Mais si vous étudiez objectivement comment vous partagez votre temps dans une journée, vous allez pouvoir vérifier: 

si vous choisissez de passer ce temps consciemment 

ou si vous êtes simplement inconsciemment happés par les attraits de votre smartphone ou d’autres activités.

D’ailleurs je vous précise que ce chiffre de 3h40 par jour sur le smartphone je ne l’ai pas sorti de nulle part. 

Il correspond à la moyenne mondiale du temps passé sur smartphone par jour. 

Je vous mettrai la source en barre de description.

Même si on part sur une fourchette plutôt basse, disons 2h par jour. Est-ce que vous êtes satisfait de la manière dont ces deux heures sont occupées?

Si oui c’est très bien ne changez rien.

Mais si vous ressentez un malaise quand vous êtes confrontés à cette donnée, c’est le signe qu’il est temps de changer.

Ne vous demandez pas comment gagner deux heures parce que en fait, les deux heures sont déjà là. Vous les avez déjà.

Et si vous avez l’impression de les perdre c’est que vous ne les employez pas correctement.

Finalement vous avez le droit d’occuper votre temps comme vous le souhaitez. 

Mais c’est extrêmement important que vous preniez conscience du temps que vous allouez à chaque activité.

En réapprenant à vous ennuyer vous allez donner une opportunité à votre cerveau de vous guider vers les activités dans lesquelles il a le plus envie de s’absorber pour avancer sur vos objectifs.

Il ne tient qu’à vous, une fois que vous avez cette information, de vous aménager des temps au quotidien où vous vous donnez la chance de vous consacrer pleinement à ces activités.

Je vais vous laisser avec un vers de Paul Valery que j’aime beaucoup, il disait: 

“nous ne savons plus féconder l’ennui”

A vous de réapprendre à féconder votre ennui.

Comment (1)

  1. Moise

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