Comment réagir face au manque de respect

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Gestion des émotions

Comment réagir face au manque de respect

« Ne vous en faites pas, ça va bien se passer »

Vous avez sûrement entendu parler du clash entre Apolline de Malherbe et Gérald Darmanin dans la matinale de BFM ?

Cet échange fulgurant aurait pu ouvrir des débats à la machine à café, si la plupart des gens n’étaient pas en télétravail… Je vous propose de regarder l’extrait dès maintenant, des fois que vous y ayez échappé.

Ces 10 secondes d’interview ont fait beaucoup réagir. Sur Twitter, évidemment. Notamment parce que les propos ont été considérés comme sexistes. Mais également dans les médias. D’ailleurs, les réactions n’étaient pas toujours celles qu’on pouvait attendre :

  • Certains se sont dit choqués.
  • D’autres, en l’occurrence la secrétaire d’Etat à la parité, Elizabeth Moreno, pas vraiment.

De mon côté, j’y ai beaucoup réfléchi. Notamment à cause de cette phrase… “Ne vous en faites pas, ça va aller”.

Le contexte :

On est sur la matinale de BFM qui est, traditionnellement, une interview plutôt musclée. Les invités et notamment les politiques, savent quand ils s’y rendent, que le moment ne sera pas tendre. Ils vont être questionnés par des journalistes qui ont la réputation de leur “rentrer dans le lard”. C’était le cas de Jean-Jacques Bourdin, c’est aussi le cas d’Apolline de Malherbe.
Les invités le savent et d’une certaine manière, ça fait partie du show. C’est aussi l’occasion pour eux de placer quelques punchlines et de montrer de quoi ils sont capables.

Il ne faut pas être naïf, c’est un exercice qui, en général, est apprécié de ceux qui acceptent l’invitation. Pourtant, avec Gérald Darmanin, il s’est passé quelque chose d’assez stupéfiant qui, à mon avis, sortait du cadre habituel de cette émission. Apolline de Malherbe commence en l’interrogeant sur des chiffres publiés par son Ministère. Rien de surprenant. Le Ministre connaît forcément ces chiffres. En période de campagne présidentielle, il doit s’attendre à répondre de ses résultats. Elle souligne que certains ne sont pas bons. Là encore, rien que du “très classique” dans la vie d’un politicien. On pourrait fack-checker le rapport, mais ce n’est pas l’objet de la vidéo.

Analyse de la réaction : 

Il commence par ATTAQUER le média :

“Je ne savais pas qu’on était sur CNews”

Ce qui, déjà, doit piquer au vif la journaliste. On vient de l’accuser de mal faire son travail. Et de faire du journalisme “poubelle”. Le ministre l’accuse alors de “populisme” et tente de répondre en faisant un pas de côté. Or, la journaliste veut le coincer sur ce sujet en particulier. Elle va donc recentrer l’interview plusieurs fois pour ne pas qu’il puisse s’échapper en répondant à côté. C’est là que ça gâte.

Il lui DIT cette phrase :

“Calmez-vous, madame”. 

Dans laquelle beaucoup de personnes ont perçu du sexisme. Souvent pour décrédibiliser la parole d’une femme, on a tendance à la traiter de folle ou d’hystérique. Notons que d’une manière générale, ce n’est jamais une bonne idée de dire à quelqu’un qui perd son calme… de se calmer. Sauf si on veut finir de l’énerver.

Puis, il AJOUTE :

“Ça va bien se passer”

Personnellement, c’est cette phrase qui m’a fait le plus réfléchir. Elle semble assez anodine et pourtant, elle est d’une grande violence.

C’est d’ailleurs, à ce moment-là qu’Apolline de Malherbe sort du cadre de l’interview.

“Attendez, pause. Comment vous me parlez”. 

“Pause” ça signifie : “on arrête de jouer” / “on sort de l’interview”.
Ils s’embrouillent comme dans la vraie vie.

À quel moment dit-on à quelqu’un “calme toi, ça va bien se passer” ? C’est une phrase qu’un médecin peut dire à un patient. Par exemple, avant de l’opérer. Ou qu’on dit à un enfant, avant une piqûre.
Bref, c’est la phrase d’une personne qui détient un ascendant sur une situation et qui tente de rassurer une personne qui s’apprête à la subir.

Avec cette phrase toute simple, sans injure ni insulte, Gérald Darmanin pose deux choses :

  1. un rapport d’autorité. Il est celui qui sait comment ça va se passer, et elle, celle qui est sur le point de subir la situation. Il instaure une forme de hiérarchie entre eux deux.
  2. une forme de menace. Qu’est-ce qu’elle va subir ? Lui seul le sait, et c’est réellement menaçant.

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que cette phrase exacte est utilisée sous forme de mème dans certains forums ou sur les réseaux sociaux.

Qu’est-ce qu’on peut retenir de cette séquence ?

Eh bien, c’est que Gérald Darmanin a fondamentalement réussi son coup.
Si on observe la suite, l’interview reprend normalement assez rapidement. Elle n’a pas réussi à imposer le respect qu’elle souhaitait imposer. Elle a tout simplement manqué de répartie. Ce qui prouve, d’ailleurs, que son agacement était réel.

Alors qu’aurait-elle pu faire pour se sortir de ce guêpier ? 

D’abord, garder la tête froide.
Apprendre à identifier le moment où la colère et les émotions montent est essentiel pour ne pas se laisser submerger. Conserver son sang froid lui aurait permis de répondre avec humour et détachement.

Une technique qui fonctionne bien consiste à répéter la menace de son interlocuteur en modifiant son intonation.

  • Vous pouvez montrer affligé ou accablé : “Calmez-vous. Ça va bien se passer.”
    Sous-entendu : “on en est là, monsieur le Ministre, je ne vous félicite pas…”
  • Ou au contraire paraître amusé : “Calmez-vous, ça va bien se passer ? J’espère que ça va bien se passer, je compte sur vous pour ça !”

En faisant ça, vous soulignez que vous avez bien noté l’insulte sans avoir à devenir vous-même agressif. Vous montrez tout simplement que vous êtes au-dessus de ça. Évidemment, si on se pose d’un point de vue moral, on peut regretter que des personnes et notamment un ministre en viennent à parler de cette façon. Cela ne sert pas l’information qui en l’occurrence est importante. On parle des chiffres de la délinquance et des violences faites aux personnes. Le sujet du débat est noyé dans la forme.

Mais personnellement, je suis toujours un peu fasciné par le pouvoir subtile des mots surtout quand ils semblent aussi anodins.

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